
Stars du show-business pour Nicolas Sarkozy, pléiade d'acteurs pour Ségolène Royal: le monde des "people" est monté au créneau dans la campagne présidentielle, marquée par de nouveaux clivages entre intellectuels jadis largement acquis à la gauche.
Conformément à une tradition française, les favoris de chaque camp exhibent leurs soutiens célèbres, même si l'influence de ces ralliements sur le vote est loin d'être démontrée.
Avec en vedettes les actrices Jeanne Moreau et Emmanuelle Béart, la socialiste Ségolène Royal a réuni dans une salle parisienne des dizaines de comédiens, metteurs en scène ou écrivains sous l'oeil des caméras.
En face, le favori de la droite Nicolas Sarkozy s'affiche avec ses "amis" acteurs, Jean Reno et Christian Clavier, ou le chanteur Johnny Hallyday.
Conscient de son déficit d'image auprès des jeunes des banlieues, M. Sarkozy se targue aussi du soutien du rappeur Doc Gyneco, en nette perte de vitesse dans les hits parades mais auteur d'un livre à la gloire de son candidat préféré intitulé "Les grands esprits se rencontrent".
Ségolène Royal a contre-attaqué en enrôlant une des stars incontestées des jeunes issus de l'immigration, le comédien Jamel Debbouze, qui a fait monter sur scène et ovationner la candidate lors de son dernier spectacle à Paris en la surnommant pour l'occasion "Mary Poppins".
Le centriste François Bayrou fait plutôt pâle figure, avec pour "groupies" des acteurs moins connus, comme Vincent Lindon et François Berléand.
L'hebdomadaire Paris-Match a fait un point de la situation sur le front de la politique spectacle en publiant récemment une double page résumant l'état des forces en présence.
Le monde du cinéma y est particulièrement bien représenté. Ségolène Royal peut compter notamment sur Michel Piccoli et Carole Bouquet. Son adversaire de droite est crédité, entre autres, du soutien d'Alain Delon, et se paye le luxe d'avoir rallié Roger Hanin, acteur d'une série télévisée à succès mais surtout ancien beau-frère de François Mitterrand.
Mais la fille de l'ancien président socialiste, Mazarine Pingeot, soutient publiquement Mme Royal .
"On est dans le marketing politique", estime le politologue Daniel Boy, qui note en particulier chez Sarkozy "une manière très professionnelle de faire de la politique, se rapprochant des techniques américaines".
Le soutien de stars n'est pas forcément sans risques : "Nos compatriotes méprisent les people, ils ne sont plus les référents qu'ils étaient hier", assure le publicitaire Jacques Séguéla, resté célèbre pour avoir participé à la campagne victorieuse de François Mitterrand en 1981.
L'effet est "quasi-nul" sur les intentions de vote, car aujourd'hui "les Français veulent du fond, pas de la forme", estime Jean-Daniel Levy, de l'institut de sondages CSA.
D'ordinaire majoritairement à gauche, les intellectuels se sont pour leur part déchirés lors de cette campagne.
Le philosophe André Glucksmann, ex-militant maoïste, a semé la zizanie en signant dans le journal Le Monde une tribune titrée "Pourquoi je soutiens Nicolas Sarkozy", où il dénonçait le "vide" conceptuel d'une gauche qui "se croit moralement infaillible". D'autres intellectuels autrefois classés à gauche, tel l'essayiste Alain Finkielkraut, ont suivi le même chemin.
Réplique immédiate des "fidèles" de la gauche, parmi lesquels l'écrivain Philippe Sollers, qui ont fustigé dans un texte commun une droite "d'arrogance" et de "régression sociale". Une querelle qui reste "sans effet hors du microcosme" parisien, assure néanmoins Jean-Daniel Lévy.
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