Environ 1,5 million d'électeurs de 82 communes de France utiliseront, des ordinateurs de vote lors de l'élection présidentielle, un instrument qui suscite des réserves du côté des experts comme de plusieurs partis politiques.
Animé par des informaticiens, le site internet www.ordinateurs-de-vote.org a lancé le 28 février une "pétition pour le maintien du vote papier", qui avait recueilli vendredi 58.854 signatures.
Demandant "des états généraux sur l'amélioration de l'organisation des élections, sans préjugés quant à l'opportunité d'utiliser ou non l'informatique", les animateurs du site estiment qu'"un ordinateur peut afficher une chose et enregistrer tout autre chose".
Le ministère de l'Intérieur souligne que les machines, toutes fabriquées à l'étranger, sont parfaitement fiables et qu'elles n'ont pas connu de problème depuis leur lancement en 2003.
Chantal Enguehard, docteur en informatique et chercheuse au CNRS dans le domaine du vote électronique, n'est pas d'accord: "La fraude peut être massive et indétectable, et perpétrée par n'importe qui", déclare-t-elle à l'AFP.
"Le 22 avril au soir (premier tour de la présidentielle, ndlr), tout le monde dira +ça s'est bien passé+. Evidemment, puisque personne ne pourra dire s'il y a eu fraude!", s'exclame-t-elle.
L'opinion est partagée par plusieurs partis politiques qui ont réclamé un moratoire.
Dès le 7 janvier, le PCF jugeait que "la fraude lors des élections par vote automatisé devient possible et relativement simple à organiser, et peut être conçue pour être indétectable". Les Verts suivaient le 4 février.
Le 16 février, le député PRG Roger-Gérard Schwartzenberg écrivait au ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy pour demander également un "moratoire" motivé par "les risques que ces machines font courir à la sincérité du scrutin".
Le candidat UDF à la présidentielle François Bayrou renchérissait le 8 mars dans l'hebdomadaire Politis: "il faut refuser cette évolution et suspendre toute utilisation".
Même son de cloche au PS, qui pointait le 27 mars "l'absence de fiabilité" et "les risques de fraude et d'erreurs massives et indétectables".
Enfin, Marine Le Pen déclarait mardi n'avoir "pas confiance" dans le scrutin électronique.
A Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine), le député-maire UDF André Santini, rallié à Nicolas Sarkozy, a lancé le vote "100% électronique" pour la présidentielle mais se retrouve contesté par le PS, le PCF, les Verts et l'UDF.
La mairie a assuré avoir "pris toutes les précautions juridiques" pour l'utilisation de machines "agréées par le ministère de l'Intérieur", "répondant à 114 exigences techniques".
Yves Jégo, député-maire UMP de Montereau (Seine-et-Marne) où le vote électronique sera également mis en oeuvre, juge ces préventions "surréalistes".
"Trafiquer les ordinateurs de vote est 100 fois plus difficile que n'importe quel bourrage des urnes qu'on a bien connu dans certaines communes de la banlieue rouge d'Ile-de-France", glisse-t-il.
Réponse de la chercheuse Chantal Enguehard: "des bourrages des urnes, il y en a eu jusqu'en 1988, lorsqu'a été instaurée la transparence des urnes. Depuis, c'est fini".
Autre argument de M. Jégo: l'électronique a "des vertus écologiques, puisqu'on n'utilise pas de papier". Mais Mme Enguehard affirme que "produire un ordinateur (...) c'est désastreux écologiquement, bien pire que pour le papier!".
"L'élection sera serrée, il y aura donc contestation des résultats. Avec ces ordinateurs de vote, on va droit à la crise politique. Quel intérêt?", estime-t-elle encore.
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