Le constat accablant d'un rapport sur les violences et relations police-population en Seine-Saint-Denis suscite parmi policiers, maires ou acteurs de terrain des interrogations sur l'efficacité de l'actuel emploi des forces de police.
Dans ce rapport de l'Institut national des hautes études de sécurité (INHES) inédit de décembre 2006, auquel l'AFP a eu accès, les auteurs évoquent un "climat d'insécurité permanent entre la police et les habitants des quartiers sensibles", des relations "difficiles et empreintes de tensions évidentes".
Ils soulignent un "décalage" entre la "suractivité permanente" de la police, en matière de lutte contre les stupéfiants ou les clandestins, et les "réalités subies par la population", avec une "hausse considérable des violences" dans ce département, où les vols avec violences ont ainsi crû de 15,95% en 2006.
L'INHES préconise un train de mesures : effort sur l'accueil dans les commissariats, doctrine d'emploi des policiers, suivi "croisé" des "mineurs difficiles", "police du quotidien dans le quartier"...
La Direction générale de la police nationale (DGPN) a assuré samedi que depuis "beaucoup a été fait en Seine-Saint-Denis".
"Ce rapport ne fait que confirmer un sentiment que je ressens avec les jeunes de ma ville, qui est dû à de nombreux contrôles de police et des comportements irrespectueux à leur égard", a déclaré à l'AFP Gilles Poux, maire PCF de La Courneuve, l'une des quatre villes (avec Montfermeil, Clichy-sous-Bois et Saint-Denis) où la mission de l'INHES a concentré son étude.
"C'est avant tout un problème de moyens qui ne sont pas mis où il faut", estime M. Poux. "Nous sommes passés à une police d'urgence alors qu'il faudrait une police de prévention", affirme-t-il.
"Le réseau associatif s'est malheureusement détourné de son rôle de médiateur alors qu'il pourrait être un bon médiateur entre les jeunes et la police", constate Yahia Bellakhal, de l'association d'insertion Ricochet à Aulnay-sous-Bois.
Selon Claude Dilain, maire PS de Clichy-sous-Bois, "l'urgence est de rétablir une police de proximité". Il a estimé sur RTL "un peu légitime" le sentiment dans la population que la police se trompe de priorité en multipliant contrôles routiers et contraventions.
"La police n'est pas bien employée", notamment les CRS "qui se mettent à donner des contraventions", témoigne à l'AFP Mohamed Mechmache, président d'AC le feu, collectif de Clichy-sous-Bois. Pour "instaurer un vrai climat de confiance", l'éducateur réclame une première "avancée symbolique": "la fin du tutoiement".
Trois syndicats de police interrogés par l'AFP ont déploré la "pression" de la hiérarchie pour "faire du chiffre", notamment avec les contrôles routiers.
Selon Jean-Claude Delage, d'Alliance, les policiers approuvent "la politique du résultat" impulsée par Nicolas Sarkozy à l'Intérieur, qu'il "ne faut pas confondre avec l'abattage qui leur est parfois demandé" de procès verbaux, "mal ressenti par la population".
Ce syndicat, comme Synergie, estime en revanche que le "fossé" ou "malaise" existe uniquement "entre délinquants et policiers". Pour le Snop, le constat de l'INHES correspond à une "réalité".
Après la divulgation de ce rapport, Synergie affirme que "la population en Seine-Saint-Denis attend une réponse judiciaire".
A Montfermeil, les habitants "attendent depuis longtemps" les peines planchers contre les récidivistes, a affirmé sur RTL le maire UMP Xavier Lemoine, qui compte sur cette mesure pour que "la justice retrouve la crédibilité qu'elle n'aurait jamais dû perdre".
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