Réforme des prud'hommes: les salariés maintiennent la pression sur le ministère

Les conseillers prud'homaux salariés se sont mobilisés mercredi pour stopper une réforme du ministère de la Justice, qu'ils accusent de "casser la prud'homie" en limitant leur temps d'examen des dossiers.

La colère et l'inquiétude couvent depuis plusieurs mois et 100 à 200 conseillers prud'homaux se sont une nouvelle fois rassemblés mercredi devant le ministère de la Justice, place Vendôme à Paris, pour réaffirmer leur refus de tout plafonnement du temps imparti pour travailler sur leurs dossiers.

Une réforme qui, selon les manifestants, condamnerait cette juridiction chargée des litiges du travail, constituée à parité de salariés et employeurs élus et non professionnels.

"Si la réforme passe, la prud'homie est foutue !", lance, médaille de conseiller prud'homme au cou, Gérard Cotteverte, président du bureau de jugement de Bobigny (CGT).

Incluse dans la loi sur la participation du 30 décembre, la réforme est aujourd'hui suspendue à la publication de son décret d'application, que le ministère a accepté de repousser après des mois de manifestations syndicales, en attendant le résultat d'une négociation au Conseil supérieur de la prud'homie.

"La réforme limite à trois heures le temps indemnisé pour rédiger un jugement, mais c'est très difficile de faire une moyenne !", explique M. Cotteverte. "Récemment, j'ai requalifié en CDI l'emploi d'un agent de service de Roissy qui avait aligné plusieurs CDD, la rédaction m'a pris dix heures...", souligne-t-il.

Un conseiller prud'homal salarié est payé par son employeur s'il statue pendant ses horaires habituels de travail. En dehors de ces horaires, il est indemnisé 6,05 euros brut de l'heure.

"Avec le plafonnement, on risque de fermer le dossier au bout de trois heures, les jugements seront mal rédigés et plus souvent retoqués en appel", prédit M. Cotteverte.

Appliquée, "cette réforme remettrait en cause la qualité de la prud'homie qui aujourd'hui voit 70% de ses jugements confirmés en appel", renchérit Gilles Soetemondt, président du conseil de prud'hommes de Paris. Les 14.500 conseillers prud'homaux des 271 conseils de prud'hommes de France sont saisis chaque année de plus de 200.000 litiges.

Le ministère de la Justice a reçu une délégation des syndicats CGT, CFDT, FO, CFTC, CFE-CGC, Unsa et Solidaires.

Thierry Duclaux, conseiller auprès du garde des sceaux Pascal Clément, a expliqué à l'AFP que le ministère "partage le souhait que les conseillers prud'homaux puissent travailler dans des conditions convenables", mais qu'"il faut avoir une définition du travail indemnisé beaucoup plus proche du terrain".

Pour ce faire, le décret envisagé prévoit désormais qu'"au-delà de trois heures, le temps accordé pour la rédaction d'un jugement dépendra d'une décision de chaque conseil de prud'hommes".

Un système de "cas par cas" qui pourrait engendrer des conflits entre les juges employeurs et salariés au sein des conseils, a soulevé l'intersyndicale.